
Covid-19, circonstance imprévue et modification du contrat : TA Paris 15 juin 2024, req. n° 2412367 Par un jugement du 15 juin 2024, soit près de quatre ans après la crise sanitaire, le tribunal administratif de Paris a qualifié pour la première fois la pandémie du Covid-19 de « circonstance imprévue » au sens du Code de la commande publique justifiant la signature d'un avenant au contrat de concession sans mise en concurrence. Ce faisant, le tribunal a donné une grille d'appréciation de la légalité des modifications contractuelles rendues nécessaires par de telles circonstances. Les circonstances imprévues sont définies par le Code de la commande publique comme « des circonstances qu'un acheteur ou une autorité concédante diligent ne pouvait pas prévoir ». Pour autant, ce code ne précise ni quelles sont les circonstances qui peuvent, ou pas, être prévues par un acheteur diligent, ni ce qu'est un acheteur diligent. Pour les définir, on peut se référer au considérant 109 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 duquel résulte que ce sont des circonstances extérieures qu'un acheteur, « bien qu'ayant fait preuve d'une diligence raisonnable lors de la préparation du contrat initial, n'aurait pu prévoir, compte tenu des moyens à sa disposition, de la nature et des caractéristiques du projet particulier, des bonnes pratiques du secteur et de la nécessité de mettre en adéquation les ressources consacrées à la préparation de l'attribution du marché et la valeur prévisible de celui-ci ». Le débat tenant à considérer que les « circonstances imprévues » doivent être distinguées des « circonstances imprévisibles » est donc a priori définitivement clos, le juge administratif utilisant face à une même situation, tantôt la première expression, tantôt la seconde. En effet sous l'empire du Code des marchés publics, ces deux circonstances pouvaient se distinguer par le degré de probabilité de leur survenance, selon les pratiques constatées dans un secteur d'activité donné. Si elles devaient toujours être des phénomènes extérieurs aux parties et irrésistibles, les circonstances imprévisibles étaient celles qui déjouaient toutes les prévisions des parties alors que les circonstances imprévues étaient celles qui excédaient seulement les vicissitudes de la vie économique . Désormais, les circonstances imprévues sont définies comme celles qui « ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat » , actant ainsi l'assimilation de l'imprévu à l'imprévisible. Le récent jugement du tribunal administratif de Paris vient donc qualifier la pandémie de Covid-19 de circonstance que l'autorité concédante diligente ne pouvait pas prévoir, justifiant la signature d'un avenant au contrat sans nouvelle procédure de mise en concurrence. Pour lire la suite : Contrats Publics, n° 256, septembre 2024, © Editions du, Dossier - Modifications des contrats : à quelles conditions ?